Pour ce nouvel épisode #BetterWeb, nous avons le plaisir de recevoir Gaëla Lahnine, responsable commercial et marketing d’Access 42, qui accompagne les entreprises et administrations dans la mise en place et le suivi de leur politique d’accessibilité web.
Chez Qwant, nous sommes fiers de soutenir toutes les idées et initiatives qui contribuent à l’amélioration du web. C’est l’objectif de ce blog et de ce format d’interview vidéo intitulé #BetterWeb que nous vous proposons !
Chez Access42, une quinzaine de personnes oeuvre pour promouvoir l’accessibilité numérique et accompagne ainsi de nombreuses organisations et entreprises à leur mise en conformité. On le sait malheureusement peu mais il y a une obligation légale à rendre les sites web accessibles.
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Retranscription
00:00:00 – Sébastien : Gaëla Lahnine, bonjour
00:00:02 – Gaëla : Bonjour
00:00:03 – Sébastien : Est ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots, quelques lignes ?
00:00:06 – Gaëla : Alors merci pour l’invitation déjà. Donc, je m’appelle Gaëla Lahnine, je suis responsable commercial et marketing pour Access 42. Access 42, c’est une coopérative qui est spécialisée en accessibilité numérique et qui est reconnue par l’État comme entreprise solidaire d’utilité sociale.
00:00:24 – Sébastien : D’où vient le nom Access 42 ?
00:00:26 – Gaëla : Access pour l’accessibilité, vous l’aurez deviné. Et 42. Alors là, on est sur une référence pour les geeks, le chiffre 42 est la réponse à toutes les questions. C’est un petit clin d’œil au Guide du voyageur galactique.
00:00:43 – Sébastien : Est ce que vous pouvez nous présenter votre organisation ? 00:00:46 – Gaëla : Oui. Alors, chez Access 42, nous sommes quinze. Plus une chienne guide. Donc, nous avons des experts et expertes en accessibilité numérique qui ont, pour certains, plus de vingt ans d’expérience dans le domaine. Et avant de faire du conseil, la plupart d’entre nous ont travaillé chez l’annonceur, en freelance, donc connaissent bien le terrain.
00:01:07 – Sébastien : Mais c’est quoi l’accessibilité numérique ?
00:01:10 – Gaëla : Alors, l’accessibilité numérique tout simplement, c’est le fait de pouvoir accéder au numérique pour les personnes handicapées. Donc, c’est un droit fondamental. C’est le droit pour les personnes handicapées d’accéder à l’information. C’est l’ONU qui est à l’origine de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Une convention qui a été signée et ratifiée par la France et qui établissait le principe essentiel que chaque société a le devoir de répondre aux besoins des personnes handicapées, tout simplement au nom des droits fondamentaux de la personne humaine.
00:01:47 – Sébastien : Je suppose que vous n’avez qu’une audience captive, intéressée et proactive. Ou vous avez aussi des gens qui sont complètement réticents à tout ça ?
00:01:57 – Gaëla : Aujourd’hui, c’est vrai qu’il y a encore beaucoup de réticences ou de méconnaissance par rapport à l’accessibilité. Il y a déjà une méconnaissance réelle des obligations légales aujourd’hui. Normalement, tous les sites publics devraient être accessibles. C’est loin d’être le cas. Toutes les entreprises privées, qui font plus de 250 millions de chiffre d’affaires annuel devrait avoir des sites accessibles. Le constat est le même, on en est encore loin. Donc, c’est vrai qu’il y a cette méconnaissance.
Il y a aussi le fait qu’il y a un manque cruel de formation à l’accessibilité numérique n’est pas une notion nouvelle. Pour autant, c’est vrai que c’est encore une notion qui est trop peu abordée dans les formations initiales aux métiers du numérique.
Et puis, il y a une question de priorité. C’est vrai que vous me parliez de contraintes. Beaucoup de personnes voient encore l’accessibilité uniquement comme une contrainte, une dépense qui pour eux, ne serait pas justifiée ou n’aurait pas de raison d’être. Comment est-ce qu’une entreprise aujourd’hui peut se dire qu’elle n’a pas de clients ou qu’elle ne parle pas à des personnes handicapées et que donc, elle n’a pas besoin de l’accessibilité numérique ?
Aujourd’hui en France, une personne sur six est handicapée, ça représente 12 millions de personnes et il faut savoir qu’on estime que 80 % des handicaps sont invisibles. Donc, l’impact de l’accessibilité numérique est totalement sous-estimé aujourd’hui, vous avez raison.
00:03:32 – Sébastien : Et quelles sont si on est concret, sur Internet, parce qu’on imagine qu’Internet est accessible finalement partout et par tous. Mais quelles sont les situations de handicap qui empêchent l’accès à Internet aujourd’hui ?
00:03:48 – Gaëla : Tout d’abord, il va falloir différencier la déficience de la situation de handicap. Toute déficience ne va pas forcément entraîner une situation de handicap vis à vis du numérique. Si je prends l’exemple d’une personne paraplégique qui est en fauteuil roulant, si elle n’a pas de handicap sensoriel, elle peut ne pas être en situation de handicap vis à vis du numérique. Il faut différencier ces deux notions et l’accessibilité numérique va vraiment, en effet, répondre aux besoins de plus de plusieurs grandes familles de situation de handicap.
Il y a tous les handicaps visuels, donc on imagine aisément, une personne aveugle ne verra pas les vidéos. Il va donc falloir lui décrire à travers des alternatives. Une personne qui est malvoyante pourrait avoir besoin de renforcer les contrastes ou d’agrandir les caractères.
Il y a aussi les handicaps auditifs. Une personne sourde ne pourra pas entendre le son des vidéos. Donc, là aussi, il va falloir que la vidéo et des sous titres et une transcription pour décrire tous les éléments audios et pour les handicaps moteurs, certains handicaps moteurs aussi peuvent avoir des besoins spécifiques par rapport à l’accessibilité. On peut penser à une personne qui aurait certaines restrictions, peut-être au niveau de la main, et qui ne pourra pas se servir de sa souris pour naviguer. Donc, cette personne devra naviguer totalement au clavier, au clavier d’ailleurs, qu’il soit physique ou virtuel, grâce à un contacteur.
Et puis, il y a aussi la famille des handicaps mentaux. Handicaps mentaux, on parle, on englobe les handicaps intellectuels, psychiques et cognitifs. Donc là aussi, une personne qui souffrirait d’un handicap cognitif. Donc un trouble dys, par exemple de la dyslexie, pourrait avoir besoin de grandir les caractères ou de changer de police. Et une personne qui aurait un handicap intellectuel ou des troubles de mémoire ou des troubles de lecture pourrait pourrait avoir besoin de maîtriser son environnement sur Internet. J’entends par là peut être pouvoir arrêter lorsqu’il y a des contenus qui sont en animation, pouvoir arrêter une vidéo, pouvoir arrêter un carrousel et pourrait avoir besoin d’explications aussi pour remplir un formulaire. Maîtriser son environnement pour pouvoir avoir le temps de comprendre l’information.
Donc c’est vrai, qu’il y a beaucoup de situations différentes. Il est difficile d’être exhaustive. Chaque personne en plus est différente, même dans une même catégorie de handicap. Ce qu’il faut retenir, c’est que finalement, c’est le manque d’adaptation qui va créer la situation de handicap et non la déficience. Selon les pays, les situations sont différentes, les contextes aussi réglementaires peuvent être différents. Si on prend le cas des Etats-Unis, il y a notamment beaucoup de procès de la part des utilisateurs en situation de handicap qui, quelque part, fait avancer aussi l’accessibilité plus vite.
00:06:51 – Sébastien : Mais est ce que ce n’est pas finalement à l’image, est-ce qu’il ne se passe pas online, ce qui se passe dans la vraie vie ? C’est à dire qu’il y a des pays comme les Etats-Unis où il y a effectivement une prise en considération partout, à chaque instant, de toutes les personnes en situation de handicap, les transports en commun, les trottoirs, les restaurants, les cinémas, les lieux de vie, les services publics. Est ce que finalement, le décalage qu’on peut trouver en ligne entre les Etats-Unis et l’Europe, est ce que ce n’est pas le même décalage auquel on assiste dans la rue ?
00:07:26 – Gaëla : Oui complètement. Et c’est vrai qu’il y a cette différence entre l’accessibilité physique qui, qui a commencé à être traitée un peu avant, l’accessibilité numérique. Après le cadre réglementaire, évolue aussi. Et donc, c’est vrai qu’on constate que la prise en compte de l’accessibilité commence à se faire de plus en plus. Et il faut savoir que là, il y a une directive européenne, aussi des biens et services qui, pour le coup, va intégrer vraiment l’accessibilité dans son ensemble et qui devrait être transposée en France en 2022 pour être entrée en vigueur en 2025. Donc, l’accessibilité va vraiment devenir un enjeu central.
00:08:02 – Sébastien : Est ce qu’il existe des technologies sur étagère qu’on peut prendre, utiliser pour faciliter l’accessibilité sur Internet ?
00:08:12 – Gaëla : Alors, j’aimerais vous dire qu’il existe une technologie qui permet de rendre le contenu accessible comme ça sur Internet. Mais la baguette magique n’existe pas vraiment. Pour que le contenu soit accessible, ce qui est important, c’est la façon de concevoir et de développer ses produits et ses services. Il faut respecter les critères d’accessibilité pour pouvoir avoir un contenu accessible.
00:08:41 – Sébastien : Est ce que dans les fameuses grandes écoles dites du numérique en France et au delà, est ce qu’on forme nos jeunes pousses technologiques à cette préoccupation là ?
00:08:54 – Gaëla : C’est encore une notion qui est trop peu abordée, en effet, dans les formations initiales aux métiers du numérique. Malheureusement.
00:09:01 – Sébastien : Vous avez participé à la rédaction du référentiel d’accessibilité numérique de l’Etat. Quel est, vous nous l’avez dit, évidemment, le cadre va évoluer. Mais aujourd’hui, quel est l’état de ce cadre juridique ?
00:09:16 – Gaëla : Le point d’entrée a été la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées. La limite de cette loi était le fait qu’elle ne concernait que le public. Le périmètre a été élargi avec une mise à jour de la loi en 2016 à certaines entreprises privées. Mais là aussi, le problème était que ces lois ont mis du temps à être transposées en décrets. Et il a fallu attendre juillet 2019 pour que ce décret soit enfin publié.
00:09:50 – Sébastien : 14 ans ?!
00:09:51 – Gaëla : 2005, il y a eu des mises à jour de la loi en 2016, une en 2018 et après, il a fallu attendre 2019. C’est aussi pour ça que l’accessibilité a mis du temps à progresser en France.
00:10:03 – Sébastien : Très clairement, on est une société de droit public ou privé. On ne sait pas trop comment faire On a bien compris que la loi avait évolué et elle va évoluer encore. Est-ce qu’on peut faire appel à Access 42 si on a besoin d’aide ?
00:10:19 – Gaëla : Tout à fait ! Nous chez Access 42, nous allons accompagner, vous accompagner justement dans votre démarche d’accessibilité. Nous allons vous aider à rendre vos sites et applications accessibles. Nous allons les auditer, voir ce qui pose problème. Ce qui n’est pas conforme aujourd’hui en termes d’accessibilité. Vous proposer des recommandations de correctif. Vous accompagner dans la mise en oeuvre de ces correctifs. Et pour maintenir l’accessibilité aussi dans le long terme, puisque ces audits et ces corrections vont permettre d’atteindre cet objectif réglementaire de conformité
00:11:02 – Sébastien : Cette “compliance” ?
00:11:04 – Gaëla : Voilà, mais sur l’accessibilité quelque chose qui se joue sur le long terme. Faire des audits de temps en temps ne va pas suffire. Il faut vraiment que les personnes qui travaillent sur le produit, sur le service numérique soient formées à l’accessibilité pour le prendre en compte dans ses actions quotidiennes.
00:11:24 – Sébastien : Alors, vous nous avez dit, vous n’avez pas nommé celles et ceux qui sont réticents aux changements et aux évolutions attendus, utiles, serviciellement utiles. Mais est-ce que vous avez eu parfois de bonnes surprises de site public, particulièrement vertueux, efficaces, qui fonctionnent et qui sont totalement accessibles ? Est-ce que vous avez des exemples à nous donner ?
00:11:47 – Gaëla : Vous avez le site monparcourshandicap.gouv.fr qui de par son objectif s’est voulu exemplaire sur l’accessibilité numérique aussi et qui est un bon exemple dans la prise en compte de l’accessibilité dans le développement de son site.
00:12:04 – Sébastien : Et si je vous demande de me citer un acteur privé ? Est-ce qu’il y a un acteur privé qui a des outils numériques qui sont “full” accessibles pour les personnes en situation de handicap ?
00:12:14 – Gaëla : Alors, ils y travaillent. Comme ça, aujourd’hui, qui soit 100% accessible, je ne vois pas d’exemples à vous donner, malheureusement.