{"id":225,"date":"2021-01-15T16:13:35","date_gmt":"2021-01-15T15:13:35","guid":{"rendered":"https:\/\/betterweb.qwant.com\/2021\/01\/15\/reguler-les-reseaux-sociaux-en-preservant-lideal-democratique-waiting\/"},"modified":"2024-11-22T13:08:41","modified_gmt":"2024-11-22T12:08:41","slug":"reguler-les-reseaux-sociaux-en-preservant-lideal-democratique-waiting","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/betterweb.qwant.com\/2021\/01\/15\/reguler-les-reseaux-sociaux-en-preservant-lideal-democratique-waiting\/","title":{"rendered":"Qui doit limiter la libert\u00e9 d’expression sur les r\u00e9seaux sociaux ?"},"content":{"rendered":"
Nous pouvons avoir beaucoup de visions diff\u00e9rentes de la mani\u00e8re dont cette id\u00e9e de la d\u00e9mocratie doit \u00eatre traduite dans notre constitution, mais il me semble qu\u2019au moins sur cette d\u00e9finition en forme d\u2019objectif \u00e0 atteindre (ce que j\u2019appelle \u00ab l\u2019id\u00e9al d\u00e9mocratique \u00bb), il peut y avoir un accord.<\/p>\n
Or si depuis de nombreuses ann\u00e9es je mets en garde contre le pouvoir croissant laiss\u00e9 aux g\u00e9ants du Web dans notre libert\u00e9 d\u2019expression, c\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment parce que je crains qu\u2019on n\u00e9glige ce que ce pouvoir implique pour notre d\u00e9mocratie.<\/p>\n
Il me semble que pour parvenir \u00e0 l\u2019id\u00e9al d\u00e9mocratique, la libert\u00e9 d\u2019expression est au sens strict un droit fondamental ; il est le fondement par lequel nous tous, nous pouvons \u00e9changer des id\u00e9es et des informations, partager des points de vue, manifester des d\u00e9saccords, pour ensuite prendre des d\u00e9cisions \u00e9clair\u00e9es sur le cours de notre vie collective. Comme l\u2019a dit la Cour europ\u00e9enne des droits de l\u2019homme<\/a> (CEDH) dans son c\u00e9l\u00e8bre arr\u00eat Handyside, la libert\u00e9 d\u2019expression est pour une soci\u00e9t\u00e9 d\u00e9mocratique \u00ab l\u2019une des conditions primordiales de son progr\u00e8s et de l\u2019\u00e9panouissement de chacun<\/em><\/em>\u00ab . Elle ajoutait ceci, qui doit tous nous servir de guide:<\/p>\n [La libert\u00e9 d\u2019expression] vaut non seulement pour les \u00ab informations \u00bb ou \u00ab id\u00e9es \u00bb accueillies avec faveur ou consid\u00e9r\u00e9es comme inoffensives ou indiff\u00e9rentes, [mais] aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inqui\u00e8tent l\u2019\u00c9tat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tol\u00e9rance et l\u2019esprit d\u2019ouverture sans lesquels il n\u2019est pas de \u00ab soci\u00e9t\u00e9 d\u00e9mocratique \u00bb.<\/em><\/em><\/p><\/blockquote>\n Je suis absolument, visc\u00e9ralement attach\u00e9 \u00e0 cette vision et \u00e0 cette ambition, parce que je mets l\u2019id\u00e9al d\u00e9mocratique au dessus de tout. Cela ne veut pas dire pour autant que la libert\u00e9 d\u2019expression doit \u00eatre absolue et qu\u2019il faut tout laisser dire, tout laisser \u00e9crire, et n\u2019emp\u00eacher la diffusion d\u2019aucune expression n\u00e9faste. Cette libert\u00e9 a ses limites, comme la plupart des droits fondamentaux, impos\u00e9es par la n\u00e9cessit\u00e9 de concilier tous les droits.<\/p>\n Mais ces limites aussi ont leurs limites. \u00ab Toute \u00ab formalit\u00e9 \u00bb, \u00ab condition \u00bb, \u00ab restriction \u00bb ou \u00ab sanction \u00bb impos\u00e9e en la mati\u00e8re doit \u00eatre proportionn\u00e9e au but l\u00e9gitime poursuivi<\/em><\/em>\u00ab , disait la Cour. Or comment assurer, avec l\u2019id\u00e9al d\u00e9mocratique en t\u00eate, la proportionnalit\u00e9 des restrictions que l\u2019on impose \u00e0 la libert\u00e9 de s\u2019exprimer ?<\/p>\n Nous avons, en d\u00e9mocratie, deux instruments fondamentaux pour nous en assurer.<\/p>\n Le premier, c\u2019est le l\u00e9gislateur. C\u2019est lui qui, parce qu\u2019il repr\u00e9sente le peuple tout entier qui lui a confi\u00e9 ce pouvoir de dire la loi, d\u00e9termine l\u2019emplacement des bornes \u00e0 ne pas d\u00e9passer. C\u2019est donc bien nous, collectivement, par la voie de nos repr\u00e9sentants, qui nous fixons \u00e0 nous-m\u00eames nos propres limites, et qui devons veiller \u00e0 ce qu\u2019elles soient proportionn\u00e9es au but que nous nous fixons, qui est de permettre la vie en soci\u00e9t\u00e9 dans le respect des droits et libert\u00e9s de chacun.<\/p>\n Le second, c\u2019est l\u2019institution judiciaire. C\u2019est elle qui, lorsqu\u2019un individu ou une institution estime que les bornes fix\u00e9es par le l\u00e9gislateur ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9pass\u00e9es, regarde \u00e0 quel emplacement les bornes ont \u00e9t\u00e9 mises, et regarde o\u00f9 se situe le mis en cause. Il analyse la situation, et rend une d\u00e9cision de sanction ou de relaxe bas\u00e9e sur cette analyse, qui ne varie pas en fonction de ses int\u00e9r\u00eats mais est la plus objective et ind\u00e9pendante possible.<\/p>\n Sans l\u00e9gislateur et sans institution judiciaire agissant au nom et pour le compte du peuple, il n\u2019y a pas de d\u00e9mocratie.<\/p>\n Il me para\u00eet donc essentiel de nous assurer collectivement que le l\u00e9gislateur et l\u2019institution judiciaire gardent toute leur place dans la r\u00e9gulation de la libert\u00e9 d\u2019expression l\u00e0 o\u00f9 d\u00e9sormais nous nous exprimons le plus : sur Internet.<\/p>\n Historiquement, \u00e7a a \u00e9t\u00e9 un sujet de pr\u00e9occupation majeur lorsqu\u2019il s\u2019est agit de choisir quel cadre juridique apporter \u00e0 la r\u00e9gulation de l\u2019expression sur Internet. J\u2019ai replong\u00e9 dans les d\u00e9bats parlementaires lors de l\u2019examen de la Loi pour la confiance dans l\u2019\u00e9conomie num\u00e9rique<\/a> de 2004, qui nous sert toujours actuellement de bible juridique en la mati\u00e8re. Il s\u2019agissait d\u00e9j\u00e0, \u00e0 l\u2019\u00e9poque, de savoir dans quelle mesure ceux qui ne sont pas les auteurs, mais les h\u00e9bergeurs d\u2019un propos, doivent se substituer au judiciaire pour qualifier la l\u00e9galit\u00e9 ou non de ce qui est dit, et emp\u00eacher que ce soit dit.<\/p>\n Les propos \u00e0 la tribune du d\u00e9put\u00e9 Christian Paul r\u00e9sonnent encore dans notre actualit\u00e9 du moment :<\/p>\n En ce qui concerne la responsabilit\u00e9 des h\u00e9bergeurs, vous abrogez ainsi les dispositions de la loi du 1er ao\u00fbt 2000 qui laissait au seul juge le soin de se prononcer sur le caract\u00e8re illicite ou non d\u2019un contenu en ligne. L\u2019article 2 du projet de loi dispose, en effet, que la responsabilit\u00e9 des h\u00e9bergeurs pourra \u00eatre engag\u00e9e \u00e0 partir du moment o\u00f9 ils ont eu connaissance qu\u2019ils h\u00e9bergeaient un contenu illicite, c\u2019est-\u00e0-dire avant m\u00eame qu\u2019ils ne soient saisis par l\u2019autorit\u00e9 judiciaire et, surtout, sans que cela soit d\u00e9sormais n\u00e9cessaire. Comme le souligne ma\u00eetre Cyril Rojinsky : \u00ab Un simple prestataire technique devenant un premier degr\u00e9 de juridiction dans un domaine aussi sensible que la libert\u00e9 d\u2019expression, la chose semble difficilement acceptable. \u00bb<\/p>\n Transposer une directive ne doit pas faire oublier des principes fondamentaux, des principes r\u00e9publicains. Je pense \u00e0 l\u2019article 66 de la Constitution qui \u00e9voque \u00ab l\u2019autorit\u00e9 judiciaire, gardienne de la libert\u00e9 individuelle\u2026 \u00bb et \u00e0 l\u2019article 6 de la Convention europ\u00e9enne des droits de l\u2019homme qui \u00e9tablit que \u00ab toute personne a droit \u00e0 ce que sa cause soit entendue [\u2026] par un tribunal ind\u00e9pendant et impartial \u00bb alors que, paradoxalement, puisqu\u2019il s\u2019agit de transposer une directive communautaire, il semble avoir \u00e9t\u00e9 oubli\u00e9.<\/p>\n Comment ne pas \u00e9voquer ici, au regard de la quasi-absence de contentieux depuis que la loi du 1er ao\u00fbt 2000 s\u2019applique, le risque d\u2019ins\u00e9curiser \u00e0 nouveau, et bien inutilement, les interm\u00e9diaires techniques en les faisant juges des contenus qu\u2019ils h\u00e9bergent ou auxquels ils donnent acc\u00e8s ? En effet, des h\u00e9bergeurs et des fournisseurs d\u2019acc\u00e8s soumis \u00e0 un r\u00e9gime engageant leur responsabilit\u00e9 de mani\u00e8re impr\u00e9cise seront in\u00e9vitablement enclins \u00e0 rechercher la protection juridique que ne leur offre plus la loi en retirant, de mani\u00e8re pr\u00e9ventive, des contenus contest\u00e9s par des tiers. Le risque de censure est \u00e9vident et la libert\u00e9 d\u2019expression se trouve ainsi menac\u00e9e.<\/p>\n Si le Gouvernement choisissait de maintenir les dispositions de l\u2019actuel projet de loi, le moindre mal serait alors de prendre en compte deux modifications. La premi\u00e8re, propos\u00e9e \u00e9galement par le rapporteur de la commission des affaires \u00e9conomiques, consiste \u00e0 pr\u00e9ciser la responsabilit\u00e9 des h\u00e9bergeurs en ne les tenant pour responsables qu\u2019en cas de contenu \u00ab manifestement \u00bb illicite et non plus seulement \u00ab illicite \u00bb. La seconde, puisque le recours au juge ne serait pas syst\u00e9matique, est de retenir la proposition du forum des droits sur l\u2019Internet, c\u2019est-\u00e0-dire d\u2019instaurer une proc\u00e9dure de notification des contenus litigieux qui permettrait de porter \u00e0 la connaissance des h\u00e9bergeurs les contenus illicites.<\/p>\n Madame la ministre, mes chers coll\u00e8gues, l\u2019av\u00e8nement de la soci\u00e9t\u00e9 de l\u2019information porte en germe les ferments de la d\u00e9mocratie, mais aussi, si nous n\u2019y faisons attention, ceux de l\u2019arbitraire.<\/p><\/blockquote>\n A cette \u00e9poque, ne surtout pas encourager les entreprises priv\u00e9es \u00e0 censurer plus que ce qui est ill\u00e9gal au sens de la loi vot\u00e9e par le l\u00e9gislateur \u00e9tait une vraie pr\u00e9occupation. Et de fait, les deux propositions par lesquelles concluait Christian Paul sont devenues la norme. Les h\u00e9bergeurs, pendant tr\u00e8s longtemps, se sont content\u00e9s de ne retirer que les propos dont le caract\u00e8re illicite leur paraissait effectivement \u00ab manifeste \u00bb, donc sans aucun doute possible, apr\u00e8s en avoir \u00e9t\u00e9 notifi\u00e9s par des internautes ou par les autorit\u00e9s. Ils laissaient le l\u00e9gislateur fixer les bornes, ne se substituaient \u00e0 l\u2019autorit\u00e9 judiciaire que lorsque recourir \u00e0 elle apparaissait r\u00e9ellement inutile, et attendaient sinon que la justice se prononce.<\/p>\n Nous sommes une quinzaine d\u2019ann\u00e9es plus tard et aujourd\u2019hui, les choses ont bien chang\u00e9. Les r\u00e9seaux sociaux, qui au d\u00e9part se voulaient simple h\u00e9bergeurs des propos publi\u00e9s par leurs utilisateurs, et qui donc appliquaient donc les m\u00eames pr\u00e9ceptes qu\u2019en 2004, ont \u00e9t\u00e9 pouss\u00e9s \u00e0 une mod\u00e9ration pro-active de ces contenus. Le tremblement de la main de la censure, qui \u00e9tait autrefois vu comme normal et n\u00e9cessaire dans une soci\u00e9t\u00e9 d\u00e9mocratique, est devenu \u00e0 cause de la place majeure jou\u00e9e par les r\u00e9seaux sociaux dans la propagation de certaines id\u00e9es, inacceptable aux yeux d\u2019un nombre croissant de citoyens.<\/p>\n La pression populaire, journalistique et politique, ont conduit les r\u00e9seaux sociaux \u00e0 ne plus n\u00e9cessairement attendre que les contenus soient signal\u00e9s par des tiers pour les mod\u00e9rer, et \u00e0 r\u00e9duire le champ d\u00e9limit\u00e9 par les bornes de la libert\u00e9 d\u2019expression, en donnant au respect de leurs r\u00e8gles priv\u00e9es (les fameuses CGU ou \u00ab r\u00e8gles de la communaut\u00e9 \u00bb) une importance croissante. Beaucoup des propos \u00ab qui heurtent, choquent ou inqui\u00e8tent l\u2019\u00c9tat ou une fraction quelconque de la population \u00bb<\/em><\/em>, dont la CEDH dit qu\u2019il faut savoir les accepter pour vivre en d\u00e9mocratie, deviennent des cibles \u00e0 abattre sur les r\u00e9seaux sociaux.<\/p>\n J\u2019entends que ces r\u00e9seaux sociaux sont des entreprises priv\u00e9es, et qu\u2019elles acceptent donc ce qu\u2019elles veulent chez elles, et excluent qui elles veulent. J\u2019entends que la libert\u00e9 d\u2019expression c\u2019est le droit de parler, pas l\u2019obligation de fournir un m\u00e9gaphone pour \u00eatre entendu. J\u2019entends que les r\u00e9seaux sociaux ont une puissance d\u2019acc\u00e9l\u00e9ration de la diffusion des id\u00e9es sans \u00e9quivalent dans l\u2019histoire humaine. Tout cela est vrai. Mais est-ce qu\u2019en restant \u00e0 ce degr\u00e9 l\u00e0 de commentaire pour demander \u00e0 \u00e9tendre la censure, on conserve en t\u00eate l\u2019id\u00e9al d\u00e9mocratique et notre souci d\u2019en favoriser l\u2019existence ?<\/p>\n Ce n\u2019est pas sans probl\u00e8me d\u2019abandonner toute id\u00e9e de garantir une libert\u00e9 d\u2019expression sur les r\u00e9seaux sociaux, au pr\u00e9texte qu\u2019il s\u2019agirait d\u2019entreprises priv\u00e9es.<\/p>\n Comme je l\u2019\u00e9crivais plus haut, c\u2019est principalement sous la pression populaire que les r\u00e9seaux sociaux se sont mis \u00e0 mod\u00e9rer plus activement les contenus et \u00e0 ne plus se contenter de censurer ce qui est contraire \u00e0 la loi, mais aussi ce qui est contraire \u00e0 leurs CGU (dans les premi\u00e8res ann\u00e9es, \u00e7a n\u2019arrivait gu\u00e8re que pour cacher la paire de fesses que les Am\u00e9ricains ne sauraient voir). En d\u00e9mocratie, la pression populaire se traduit par le vote. Mais qui a vot\u00e9 pour choisir o\u00f9 mettre les bornes sur Facebook ou Twitter ? Personne. C\u2019est la voix de ceux qui crient le plus fort leur indignation qui l\u2019emporte, et non plus la voix de la majorit\u00e9. Et qui choisit quand constater et sanctionner le fait que les bornes auraient \u00e9t\u00e9 franchies ? Ceux-l\u00e0 m\u00eames qui ont choisi o\u00f9 mettre les bornes, \u00e0 qui on peut reprocher selon les circonstances ne ne pas les avoir mises assez loin ou assez pr\u00e8s. Et qui d\u00e9cide de confirmer ou de d\u00e9mentir le premier jugement ? Encore une fois le m\u00eame.<\/p>\n La s\u00e9paration des pouvoirs, qui est un autre principe fondamental sans lequel il n\u2019y a pas de d\u00e9mocratie possible, n\u2019a pas cours sur les r\u00e9seaux sociaux qui concentrent dans les m\u00eames mains les pouvoirs de dire le droit (via leurs CGU), de faire la police (avec la surveillance pro-active de ce qui est publi\u00e9), et de faire la justice (en recevant et instruisant les plaintes, et en choisissant les condamnations).<\/p>\n A nouveau, on peut se dire que c\u2019est normal, qu\u2019on ne calque pas sur un r\u00e9seau social les raisonnements qui sont ceux que l\u2019on a pour les espaces publics. Il n\u2019y a pas de gestion d\u00e9mocratique d\u2019une entreprise priv\u00e9e.<\/p>\n Mais il y a au moins deux \u00e9cueils \u00e0 ce raisonnement.<\/p>\n J\u2019\u00e9vacue rapidement le premier, dont on peut d\u00e9battre \u00e0 l\u2019infini. Si je peux admettre facilement qu\u2019un forum de quelques milliers d\u2019internautes n\u2019a pas en mati\u00e8re de libert\u00e9 d\u2019expression une place pr\u00e9pond\u00e9rante qui l\u2019obligerait \u00e0 se contenter d\u2019appliquer la loi et rien que la loi, il me semble que notre regard doit \u00eatre diff\u00e9rent lorsque l\u2019on parle de r\u00e9seaux sociaux qui permettent \u00e0 des centaines de millions de gens, et m\u00eame pour le plus important d\u2019entre eux \u00e0 plusieurs milliards de personnes, de se parler, de s\u2019organiser, d\u2019\u00e9changer des informations, de se d\u00e9couvrir, de d\u00e9battre. Certes, cela impose d\u2019autant plus de vigilance pour s\u2019assurer que les bornes ne soient pas franchies. Mais aussi, plus un espace d\u2019expression est central et donc difficilement contournable, plus nous devrions avoir le souci que tout le monde puisse s\u2019y exprimer dans les seules limites impos\u00e9es par la loi, en notre nom, par le l\u00e9gislateur. Ce serait d\u2019ailleurs appliquer les pr\u00e9conisations de l\u2019ONU, qui dans ses Principes directeurs destin\u00e9s aux entreprises<\/a>, dit :<\/p>\n La responsabilit\u00e9 qui incombe aux entreprises de respecter les droits de l\u2019homme s\u2019applique \u00e0 toutes les entreprises ind\u00e9pendamment de leur taille, de leur secteur, de leur cadre de fonctionnement, de leur r\u00e9gime de propri\u00e9t\u00e9 et de leur structure. N\u00e9anmoins, la port\u00e9e et la complexit\u00e9 des moyens par lesquels les entreprises s\u2019acquittent de cette responsabilit\u00e9 peuvent varier selon ces facteurs et la gravit\u00e9 des incidences n\u00e9gatives sur les droits de l\u2019homme.<\/p><\/blockquote>\n Il ne faut pas non plus oublier que censurer un homme ou une femme pour ne plus lui permettre d\u2019utiliser un r\u00e9seau social, ce n\u2019est pas seulement le condamner lui ou elle. C\u2019est priver l\u2019ensemble des individus qui s\u2019y sont inscrits de la possibilit\u00e9 de recevoir l\u2019information qu\u2019elle y diffusait, alors que la libert\u00e9 d\u2019expression int\u00e8gre la libert\u00e9 de recevoir les informations. Plus un r\u00e9seau social est important, plus les chances d\u2019\u00eatre lu ou entendu par un grand nombre de ces personnes sont importantes. La puissance tr\u00e8s forte des effets de r\u00e9seau<\/a> impose d\u2019avoir \u00e0 cet \u00e9gard un raisonnement bien plus nuanc\u00e9 que l\u2019argument lib\u00e9ral facile du \u00ab y a qu\u2019\u00e0 aller voir ailleurs<\/em><\/em>\u00ab .<\/p>\n Mais surtout, et je veux terminer par \u00e7a, nous entrons dans une zone dangereuse pour l\u2019avenir de la d\u00e9mocratie, et donc de notre capacit\u00e9 collective \u00e0 choisir nos lois et nos mani\u00e8res de les faire respecter. Non seulement le l\u00e9gislateur, qui vote les lois en notre nom, n\u2019a plus la main sur l\u2019emplacement des bornes de la libert\u00e9 d\u2019expression qui est un socle fondamental de la vie d\u00e9mocratique, mais en plus il tend d\u00e9sormais \u00e0 encourager les r\u00e9seaux sociaux \u00e0 se faire tout \u00e0 la fois l\u00e9gislateurs, policiers et juges.<\/p>\n